Dualité, pureté des lignes, évocation du couple ou de la femme, utilisation du vide, les oeuvres de Giovanni Carosi ne laissent pas de marbre. L’artiste a élu domicile à Terrasson.
Portrait réalisé en 2004.
Après avoir navigué de l’Italie à Paris, le sculpteur vit à Terrasson depuis une dizaine d’années. L’artiste nous dévoile son parcours et le regard qu’il porte sur son art abstrait. Né près de Rome en 1953, il devient artisan en orfèvrerie de 1978 à 1982. Puis, il arrive en 1986 à Paris où il apprend la sculpture à l’école des arts plastiques d’Elancourt avec les sculpteurs Inque et Myata. Son premier atelier, il l’ouvre au Mesnil Saint-Denis (Yvelines) en 1990. Mais, cinq ans après, il s’installe à Terrasson… « A Paris, j’avais un atelier beaucoup plus petit. Ici, c’est beaucoup plus spacieux. Et puis faire de la sculpture en ville, c’est difficile pour les pièces, pour le marbre, le bruit et la poussière. Là, je suis bien. Je crée des pièces nouvelles. Et cela m’est arrivé de faire des pièces monumentales… » dit-il, avec un fort accent italien.
Du plus petit au plus grand… En effet, si l’artiste travaille discrètement dans son atelier, sur les hauteurs de la ville, ses oeuvres sont parfois moins discrètes et ne passent surtout pas inaperçues. Par exemple, il a réalisé une sculpture en pierre haute de 5 mètres et d’un poids de 20 tonnes pour la commune de Chancelade en Dordogne, et une fontaine de 25 tonnes en pierre de Bourgogne pour Orliac (24). Mais la majorité de ses oeuvres sont beaucoup plus petites, comme des statues, en moyenne de 70 à 100 cm.
D’ailleurs, Giovanni Carosi avait même débuté à Florence dans le tout petit !… « Dans la bijouterie, c’est de la création aussi, mais c’est plutôt de l’artisanat, des petites pièces » dit-il, puis il raconte : « et petit à petit, j’ai eu envie de travailler plus grand. J’avais besoin de m’ouvrir et c’est pour cela que je suis venu à la sculpture. Ce sont des pièces uniques ».
« Je travaille un peu tout, mais je suis plus proche du marbre noir de Belgique. J’arrive à lui donner des contrastes en jouant avec la luminosité ». Le statuaire aime travailler également le marbre blanc, le bois, la pierre, la terre cuite, le fer-plâtre-résine, le cuivre… « Je mélange parfois plusieurs matériaux. Je fais des formes d’aujourd’hui, moderne. Quelque part, on dit que je suis encore aux arts plastiques, parce que je travaille la matière. Je fais toujours ce travail d’approche des sculptures classiques » dit-il.
Ecrire sur un papier blanc qui vous sert à rien
Le procédé est toujours le même. L’artiste prend un bloc de matière et le travaille. « Parfois, je fais une taille directe, sans maquette avant » dit-il, et il précise : « j’attaque ça, parfois, comme écrire sur un papier blanc qui vous sert à rien. Quand cet instant, cette spontanéité arrive, vous travaillez. Et là, si vous êtes bien, forcément la sculpture sortira… Et d’autres fois, quand c’est un bloc très grand, je fais une maquette avant, en terre…, en vingtième, en dixième, par rapport à l’échelle ».
De plus, l’artiste souligne qu’il ne se sert absolument pas du monde qui l’entoure pour s’en inspirer : « je n’ai pas envie de faire absolument quelque chose que je connais déjà. Ce qui m’intéresse moi, c’est d’aller sur des formes que je ne connais pas, où il y a une espèce de mystère. Il n’y a pas de logique, de copie. C’est abstrait comme travail. Même si je suis de formation figurative, j’ai fait des écoles avec des modèles, j’ai beau faire des têtes, des corps… Mais moi, ce qui m’intéresse, c’est de tomber sur des formes que je ne connais pas, moi-même » dit le sculpteur !
Cela fait donc une vingtaine d’années qu’il a fait de cette passion son métier. Un métier qu’il raconte avec une certaine poésie… »J’essaie d’être moi-même et je fais des choses que je sens moi-même. Je ne suis pas là pour faire un devoir. Chaque sculpture que je fais, c’est toujours autre chose, c’est une autre histoire. Quand je l’ai terminée, pour moi c’est fini. Quand je l’expose, je la revois, mais j’avance toujours… »
Savoir regarder, sentir une émotion
Le regard que l’on porte, c’est important… L’artiste travaille actuellement avec les élèves du Lycée de Tulle sur des réalisations ayant pour thème « les Droits de l’Homme ». « Je leur fait voir l’origine de la sculpture, ou encore la taille directe. L’important, c’est aussi savoir regarder, sentir une émotion » dit-il.
Qu’est-ce que c’est, au fait, une sculpture ? une oeuvre d’art ? « En général, elle vit par elle-même. Ce n’est pas quelque chose qui sert à décorer. Elle prend de la place et de l’espace. Quand chaque pièce arrive à vivre par elle-même, c’est ça la sculpture… Si non, c’est un objet que vous mettez sur la table, sur la commode, à faire joli » dit Giovanni Carosi. « Après, il faut toucher des amateurs d’art, des gens qui aiment… »
Enfin, l’artiste participe souvent à des symposiums, des rencontres internationales avec des sculpteurs venus de toutes les parties du monde. Le sculpteur apprécie ces moments-là : « chacun de nous travaille sur une pièce pendant une à deux semaines, ou plus. Et là, on partage vraiment quelquechose de très fort. Chaque artiste travaille habituellement seul. Et de temps en temps, se revoir avec les autres, cela nous change un peu… »
Alain Rassat – Portrait 2004
Tél. de Carosi : 05.53.50.68.77