Une manifestation citoyenne à Condat

La manifestation organisée par la FILPAC CGT (et sans FO) samedi 6 juillet 2013 devant les papeteries de Condat au Lardin Saint-Lazare avait des airs de baroud d’honneur. Entre ballons rouges et visages tirés, environ 400 personnes ont manifesté en sachant que les dés sont jetés : 139 suppressions de poste ont été annoncés. La ligne 6 vient de s’arrêter définitivement le 1er juillet et les lettres de licenciements vont commencer à tomber dans quelques semaines. La ligne 6 était la fierté de l’entreprise périgourdine selon Bruno, 50 ans… « C’est le Périgord mat Condat et c’est impossible ailleurs de fabriquer le même papier que nous ».

Le délégué CGT Guy Bretout s’en est pris notamment aux politiques qui souhaitent aider l’entreprise dans l’achat d’une chaudière bio-masse. Selon lui, « la diminution que cela va entraîner sur le coût du papier rajoutera des bénéfices aux actionnaires ». Parmi les salariés, certains espèrent encore… Les femmes de salariés étaient en première ligne de la manifestation… « Je ne souhaite à personne ce qui nous arrive » dit un autre. « Pendant trois mois ma famille a souffert de mes écarts de nervosité » reconnaît un salarié. Un retraité des Telecom est là par solidarité : « j’ai vu une pancarte à vendre devant une maison, combien il y en aura dans un ou deux ans » s’interroge-t-il.

Ecoutez le reportage de Cristal Fm


 

Le discours du délégué CGT :

 

« Merci de votre présence, de votre solidarité active en ce début des congés d’été, propices à tous les mauvais coups…

Merci à vous toutes et tous d’être là, avec nous, pour défendre tous les emplois à Condat et l’emploi industriel en général.

Je dis bien, tous les emplois, ceux de l’entreprise Condat, les 149, mais également les plus de 400 emplois induits des sous traitants et de tous les autres qui vivent et travaillent pour et autour de Condat.

Après trois mois de négociations et de mise en avant de projets alternatifs, d’interpellation des décideurs économiques et politiques, de campagnes de pétitions, de mobilisation et de manifestations, rien ne semble ébranler un groupe qui a choisi de porter un coup terrible à ce fleuron industriel majeur du département.

La lutte et la mobilisation continuent ce 6 juillet 2013 au Lardin. Nous sommes devant la première entreprise industrielle du département dirigée par les fonds de pension du groupe Lecta, qui la pillent financièrement et dépècent son savoir faire pour l’exporter en Espagne ou ailleurs.

Ce groupe et ses actionnaires, qui n’ont hélas, je le rappelle avec force et gravité, aucun véritable projet industriel pour le présent et pour la pérennité de Condat, sauf celui de mettre à sac l’entreprise.

Brisant nos vies, celles de nos familles, ils saccagent toute une partie de l’économie locale, départementale et régionale.

Ceux là même qui disent toujours « oui-oui » pour encaisser les fonds publics.

9 M€ de fonds publics à l’échelle nationale, c’est à cette somme là qu’ils peuvent prétendre pour la construction d’une chaudière biomasse, qui aurait pour effet de faire baisser le coût de l’énergie à Condat et de relever immédiatement la rentabilité financière pour les actionnaires du groupe !

Je dis bien 9 M€, soit la prise en charge immédiate de la moitié du coût de l’investissement de cette chaudière !

C’est une double peine pour les salariés et la population de Dordogne qui vont être les premiers touchés par l’impact social des licenciements et à qui on demande, en plus, de payer les bourreaux via leurs impôts.

Non seulement la direction Lecta peut prétendre à ces fonds publics, mais en plus le Président du Conseil Général et le Député de la circonscription, tous les deux, ont vivement encouragé en ce sens les dirigeants de Lecta qu’ils ont rencontré à Paris.

Ils ont donné leur accord sur l’arrêt de la ligne 6 et ce, sans même exiger et obtenir de ce patronat, des engagements précis, concrets, sur le devenir de Condat, sur le nombre de licenciements, sur l’engagement d’une étude papetière !!!

De même certains trahissent les salariés, il s’agit de ceux qui ont choisi le camp d’en face et qui une nouvelle fois après 2010, trompent les salariés de Condat.

Je le dis avec force, pour la CGT de l’entreprise dont mes camarades et les salariés me renouvèlent leur confiance depuis plus de 35 ans ! Nous ne sommes pas résignés, nous allons continuer le combat pour le devenir de l’entreprise Condat !

Depuis lundi matin 4 h 14, la ligne 6 de la papeterie de Condat est à l’arrêt, la dernière bobine de papier produite, conformément au calendrier établi par la multinationale LECTA.

Si nous avons le plus profond mépris pour les larmes de crocodiles, celles des ouvriers qui ont vécu en catimini, au cœur de la nuit, l’arrêt de leur machine, nous touchent, nous indignent et nous révoltent.

A tous les salariés de la ligne, à tous les salariés de Condat, je veux leur dire que malgré les embûches et les trahisons de toutes sortes, les grandes envolées et les petits calculs, les organisations de la CGT (syndicat de Condat, Union Locale de Terrasson, Union Départementale, Fédération nationale) et le front des luttes du terrassonnais ne lâchent rien.

Nous ne lâchons rien car nous n’acceptons pas une situation qui condamne à terme le site de Condat dans son ensemble.

Nous n’acceptons pas que le droit constitutionnel au travail, le droit des familles ouvrières à vivre dignement leur soient contesté. Comme nous n’acceptons pas le déclin économique et social promis à ce coin du Périgord.

Je leur rappelle que rien n’est inéluctable, que l’émotion suscitée, bien compréhensible et que nous avons tous partagée, doit faire place à la révolte et à la mobilisation.

Avec vous tous, nous allons dire à tous les élus et précisément à ceux de la majorité présidentielle, pour qui des centaines d’entre nous ont voté, souhaitant en finir avec le règne des riches et de la finance :

Maintenant ça suffit !!! Non, pas de fonds publics pour le groupe Lecta sans négociations sur les licenciements et sans exigence de projet industriel pour le devenir et la pérennité du site de Condat. Oui à l’emploi, oui il y un avenir pour la jeunesse en Périgord !

Cette affirmation va à l’encontre des annonces de la direction de l’entreprise très imprécise sur les investissements mais catégorique, je cite : « les productions vont partir de Condat ».

Malheureusement, dans la jungle de la mondialisation capitaliste, l’expérience a déjà prouvé à maintes reprises, que lorsque des productions partaient de France, la quasi majorité ne revenait jamais !

D’ailleurs, elle ne se mouille pas sur la pérennité du site du Lardin, je cite encore : « qu’elle peut difficilement se projeter dans le contexte économique actuel » !!!

Nous sonnons donc l’alarme à toute la population, aux pouvoirs publics, aux élus !

Le 10 juin dernier, le président du Medef Dordogne – dans un langage qui se voulait viril, mais surtout grossier – a dit tout le mal qu’il pensait de l’affiche qui exprimait la douleur, la colère des camarades salariés de Condat.

Contre toute évidence et de façon délibérée, il a pratiqué l’amalgame entre les petites entreprises et les grands groupes. Il affirmait même que Condat était géré non pas par des financiers, mais par des ingénieurs papetiers !!!

C’est vraiment d’une rare stupidité de tenir de tels propos, démentis par la nature même du groupe…

Le Medef Dordogne serait plus inspiré et crédible, d’écouter tous ces sous-traitants, patrons d’entreprises à l’échelle locale et régionale.

Ceux-là même qui nous font savoir combien sont grandes leurs inquiétudes pour leur propre avenir si le plan Lecta arrive à son terme !!!

Le chômage ne cesse de progresser en Dordogne et dans tout le pays, avec plus de 20 000 demandeurs d’emploi dans notre département. La production industrielle a reculé de 8% depuis 2007, la France a perdu 100 000 emplois industriels en un an !

C’est pour cela que le syndicat FILPAC CGT, l’UD CGT, le Front des Luttes du Terrassonnais, avons écrit à Monsieur le Président de la République François Hollande, pour l’alerter et lui demander d’intervenir sur la stratégie des Fonds de Pension à Condat.

Nous avons renouvelé notre volonté d’appuyer des choix affichés par la France sur les besoins de ré industrialisation.

Dans cette lettre, nous affirmions que notre pays, fort de son savoir faire, avait besoin d’une grande industrie papetière nationale, Condat y a toute sa place !

Dès son élection, le Président de la République a affirmé que, à contrario de son prédécesseur arrogant, il voulait être un Président normal…

Mais, est-il normal qu’il ne nous ait toujours pas répondu…

Et pourtant, cet appel des femmes a eu un profond retentissement, un écho national !

J’en profite pour saluer l’engagement de ces 100 femmes, compagnes, épouses, mères de papetiers, autour d’une pétition puis de cette lettre, et Chantal cette mère de papetier qui lui a donné la dimension humaine de son vécu…

Je tiens à saluer toutes mes camarades femmes, pour la part incontournable prise dans cette résistance pour le présent, le devenir de Condat et leur soutien moral :

Merci à Viviane, responsable politique locale et départementale, bien connue de nous tous, animatrice du Front des Luttes du Terrassonnais.

Merci à Corinne, notre secrétaire de l’Union Départementale CGT, présente à nos assemblées générales et sur le piquet de grève pendant 4 jours, qui au-delà de ses responsabilités syndicales accompagne humainement nombre d’entre nous. Elle est comme Viviane de tous nos combats.

Merci à Eliane, Chantal, Arielle, Françoise, Monique, Annie, Brigitte, Yvette, Henriette, Joëlle, Dany…. pardon à celles que je n’ai pas cité, je pense également aux retraités papetiers pour leur engagement.

Merci à vous toutes et tous qui êtes parmi nous ce samedi 6 juillet.

Oui, l’avenir appartient à ceux qui vivent debout ! Et ceux qui vivent, sont ceux qui luttent !

Engageons dès cet instant, cette campagne de lutte :

Maintenant ça suffit !!! Non, pas de fonds publics pour le groupe Lecta sans négociations sur les licenciements et sans exigence de projet industriel pour le devenir et la pérennité du site de Condat. Oui à l’emploi ! Oui il y un avenir pour la jeunesse en Périgord !

Nous vous donnons rendez-vous le 21 juillet à la fête de la Morélie.

A bientôt pour d’autres rendez-vous de mobilisation et de lutte, merci à toutes et à tous, votre présence nous fait chaud au cœur. »

Intervention Guy Bretout
Le Lardin le 6 juillet 2013

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