L’ancien journaliste et écrivain Denis Tillinac est mort dans la nuit du vendredi 25 septembre au samedi 26 septembre 2020, à l’âge de 73 ans. « La Corrèze perd une de ses grandes figures, un homme de caractère et de convictions, un fervent défenseur » écrit Pascal Coste président du Département. Nous gardons un très bon souvenir de l’écrivain, invité en avril 2015 lors d’un débat public à Le Lardin.
Article Ewanews du 18 avril 2015. « Je ne crois pas un mot de ce qui se dit et de ce qui s’écrit dans les médias » déclare Denis Tillinac ! L’écrivain, polémiste et éditeur, accueilli par l’ARES jeudi 16 avril, au Lardin Saint-Lazare, sur le thème « Médias et libertés » ne s’est pas privé d’exprimer son jugement critique à l’égard des médias largement captifs de l’événementiel, de façon très immédiate et émotionnelle, au détriment de la réflexion. Dans une salle socio-culturelle pratiquement comble, le débat, initié par Henri Delage, responsable de l’Atelier de Réflexion Ethique et Social, a été particulièrement riche, notamment au sujet des paradoxes et des limites de la liberté d’expression, laquelle inclut avant tout selon Denis Tillinac « une responsabilité que l’on doit mesurer ». A cet égard, il n’a pas cautionné le « Je suis Charlie ». Quoi qu’il soit un fervent défenseur de la liberté d’expression, il pense « qu’il faut savoir respecter le sentiment de millions de croyants heurtés par les caricatures de Mahommet ».
Les interrogations de la salle étaient fortes : est-ce que l’on a vraiment une garantie de la liberté de la presse ? Comment un journal façonne l’opinion ? Comment le journalisme peut-il se redéfinir quand tout le monde participe à l’information sur internet ? L’invité rappelle des modèles qui l’ont fasciné comme Albert Londres et Joseph Kessel. Il reconnaît qu’il y a diverses vocations dans le journalisme. Certains journalistes font découvrir en profondeur ce qui se passe dans le Monde. D’autres se consacrent à l’enquête dénonçant des dysfonctionnements institutionnels ou des scandales (comme Médiapart). Denis Tillinac voit cependant les prémices d’une évolution résistant au consensus médiatique.
« On façonne des psychismes formatés » dit-il, suspectant les écoles de journalisme de participer elles-mêmes à ce formatage. Pour lui, il est clair que « le choix d’un titre, de certains mots et donc du contenu d’un journal peut influencer indirectement les lecteurs ». Et il va beaucoup plus loin en désignant « un matraquage permanent de tous les médias en général, publicité et jeux vidéos compris, qui participent à la construction d’un champ mental qui, selon lui, incite à l’égocentrisme et au mépris de l’autre ». Certes l’opinion publique est née avec le journalisme, mais peut-elle être une façon de penser ensemble la société ? « Les médias audiovisuels ne sont pas faits pour réfléchir, trop basés sur l’émotion. L’émotion ne dure pas » dit-il. « L’homme politique s’y est soumis » regrette-t-il, dénonçant un système où « le chef d’Etat devient le rédacteur en chef du journal France, comme s’il avait toujours à produire de l’info. C’est un système qui risque de fatiguer et d’user l’opinion ». Toujours envers les journalistes, il déclare « je ne crois pas en la neutralité totale, à l’objectivité entière, mais tout au plus à un maximum de distance possible pour essayer de nuancer ». Face à l’activité de journaliste qui a absorbé une grande part de sa vie, l‘auteur avoue : « je n’ai jamais aimé ce métier et j’ai toujours refusé la carte de presse ».
– Le compte-rendu de cette soirée par l’ARES sur leur site internet : Médias et Liberté
– Polémiste, Denis Tillinac est souvent invité dans RTL Soir, entre 19h et 20h, c’était le cas le lendemain de cette soirée, le vendredi 17 avril : replay sur RTL
– Portrait paru dans Libération en septembre 1996 : cliquez-ici