Voici le discours de la CGT Dordogne lu le 1er mai 2015 place de la Libération à Terrasson, devant une trentaine de personnes…
« Chacune, chacun, le sait ici, le 1er mai n’a pas intégré par hasard le calendrier des militants syndicaux. Il trouve ses racines en 1886 à Chicago où des manifestations ouvrières sont violemment réprimées par police et justice. Il nait en juillet 1889 à Paris, à l’issue du congrès constitutif de la 2e Internationale socialiste réunie à l’occasion du centenaire de la Révolution française. Son acte de naissance est rédigé ainsi : « il sera organisé une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d’appliquer les autres résolutions du congrès international de Paris. »
Dès les origines, on manifeste avec un triangle rouge à la boutonnière, symbole des 3 X 8 revendiquées : huit heures de travail, huit heures de loisirs, et huit heures de sommeil. Il n’est pas rare à l’époque de travailler 12 heures par jour et il faudra attendre le 28 juin 1919 pour que le gouvernement décrète la journée de huit heures. Le triangle rouge est remplacé par l’aubépine puis par le muguet depuis 1907. En 1947, dans une France libérée, le premier jour de mai devient un jour férié et payé. Je fais ce bref rappel historique car les conditions de la naissance de cette journée internationale des travailleurs restent parfois méconnues. Or, son universalité dépasse aujourd’hui celle des plus prestigieux événements historiques ou des plus ferventes fêtes religieuses. Alors que partout en France, en Europe, et sur tous les continents de la planète, ce jour-là, convergent des milliards d’hommes et de femmes, est-il admissible que l’histoire universelle du 1er mai ne soit pas enseignée dans les écoles de la République ? Quand les tentatives d’ensevelir dans l’oubli, d’occulter ou de falsifier l’histoire du 1er mai se multiplient, le mouvement syndical a le devoir d’entretenir et de cultiver dans la mémoire collective ouvrière cette histoire dont nous sommes les héritiers et les continuateurs.
Mais en 2015, le 1er mai aussi sacré soit-il, n’est pas un totem que l’on sort de la naphtaline une fois par an. S’il porte la solidarité internationale et l’exigence d’un futur meilleur pour les générations à venir, il s’inscrit dans les luttes multiples qui se font écho dans tout le pays, depuis quelques mois déjà, et dont le 9 avril fut un premier point d’orgue. Il s’inscrit dans les mobilisations engagées face aux échecs des politiques d’austérité et aux dégâts économiques et sociaux en Grèce, le pays qui résiste, en Espagne, au Portugal, en Irlande, en Italie, en Belgique, en Allemagne aussi. Ah l’Allemagne et son fameux modèle tant vanté par les chiens de garde télévisuels de l’orthodoxie libérale. Parlons-en du modèle allemand : un salarié sur deux n’est plus couvert par une convention collective, 7 millions de personnes dépendent de mini-jobs à 400 € et à couverture sociale au rabais, 15,5 % de la population vit sous le seuil de pauvreté soit 2 points de plus qu’en France, la privatisation partielle du système de retraite provoque une diminution continuelle des pensions, et c’est ce modèle que voudrait nous imposer Hollande, Valls, Macron, leurs homologues de droite et leurs copains du Medef. Aujourd’hui, d’une même voix, les syndicats européens s’opposent aux conséquences de la crise financière imposée par l’union européenne. Ils fédèrent ainsi une montée des mécontentements et des exigences revendicatives qui doivent s’amplifier dans tous les pays du vieux continent.
En France, le gouvernement persiste dans sa politique malgré la nouvelle sanction électorale subi au mois de mars. L’an passé, je notais que jamais les salariés ne s’étaient vus imposer autant de sacrifices pour le seul bénéfice du patronat. Après un an supplémentaire d’austérité, le constat est le même, le résultat est là : la désindustrialisation du pays bat son plein, le chômage poursuit sa progression régulière de même que les dividendes versés aux actionnaires. Pendant que les salariés sont à la diète, les patrons des grands groupes sabrent le champagne avec leurs actionnaires, sans oublier de se servir au passage. En 2014, la moyenne des rémunérations des patrons du CAC 40 était de 2,267 millions d’euros ! Le SMIC a augmenté de huit centimes en janvier.
Et comme ça ne leur suffit toujours pas, le gouvernement propose des projets de lois tous aussi antisociaux les uns que les autres : loi santé, loi Macron 2, loi sur le dialogue social, loi relative au renseignement, attentatoire aux libertés individuelles, sans oublier les négociations sur les retraites complémentaires. Alors, répétons-le à nouveau, ce n’est pas en appauvrissant les salariés et les retraités, ni en fragilisant les services publics que l’on relancera la croissance. A contrario, la politique progressiste que nous appelons de nos vœux doit s’appuyer sur la relance de la demande par une augmentation significative des salaires, des pensions et des prestations sociales, la préservation et le développement des services publics au service de l’intérêt général, la sauvegarde de notre système de santé, de la protection sociale et son financement. La nouvelle hausse du chômage annoncée lundi, y compris dans notre département (Dordogne), en justifie l’urgence afin de permettre la création d’emplois pérennes et de développer les investissements pour relancer l’activité économique.
Telles sont les exigences qui nous rassemble aujourd’hui 1er mai, étape d’une mobilisation indispensable pour d’autres perspectives et choix possibles. La mobilisation du plus grand nombre contre ce qu’il faut bien appeler une politique d’austérité et pour une autre répartition des richesses.
Pour la CGT, le 1er mai c’est aussi porter solidairement l’urgence de progrès social aux quatre coins de la planète, c’est refuser l’inacceptable à l’instar des naufrages de populations en quête de sécurité et d’avenir, ou des massacres de masse dont la liste serait bien longue à énumérer. C’est, après les tueries du début d’année à Paris, réaffirmer que les libertés de pensée et d’expression, la démocratie, sont des biens communs que nous défendrons face à tous les totalitarismes, aux discours haineux, aux tentatives de division et de stigmatisation.
Chers camarades, depuis 126 ans, des générations d’ouvriers, d’employés, de retraités, de chômeurs, sont au rendez-vous du 1er mai pour refuser l’isolement, le repli sur soi, l’exclusion, le racisme et le rejet de l’Autre. Aujourd’hui, comme dans les semaines et mois qui viennent, mobilisons-nous pour le Vivre ensemble, la solidarité entre salariés, l’égalité des droits, le choix de la paix, le progrès social. Bonne fête à toutes et à tous. »
Signé : Christian Rebière, secrétaire général de l’UD CGT de la Dordogne