« Parle-moi » à Pazayac : bouleversant !

Soirée théâtrale très réussie à Pazayac jeudi soir 7 mai 2015, devant une salle presque pleine, saisie par un spectacle grave, qui n’avait rien d’un simple divertissement. On peut saluer le choix courageux des partenaires (aux premiers rangs desquels : Anim’Pazayac et  Itinérance culturelle en Terrassonnais) qui ont proposé « Parle-moi » de Juan Radrigan, sous une adaptation de Ricardo Montserrat, un spectacle engagé et fort, où le théâtre -arme levée contre la culture de mort des régimes dictatoriaux comme en a connu le Chili de Pinochet- donne ici voix aux exclus de la dictature économique, en la personne d’Isabel. Cette femme chilienne, malade de solitude et d’exclusion « tiene una pena que no puede nombrar »...  La comédienne Ana Maria Vénégas, elle-même d’origine chilienne mais résidant en France depuis les années 2000, directrice artistique de la compagnie « Théâtre au vent », interprète ce rôle avec une grande force, beaucoup de liberté et de sincérité, et son monologue devant la poubelle avec laquelle elle partage l’espace scénique est littéralement bouleversant. Cette poubelle passant tour à tour d’interlocuteur à témoin prend toutes les dimensions de ses richesses et de ses manques. S. D.

 


Itinerance Culturelle en Terrassonnais et Anim’Pazayac présentent : « Parle-moi », par la compagnie Théâtre au Vent, le jeudi 7 mai 2015 à 20h30 à la salle des fêtes de Pazayac. Entrée: 10€, réduit 8€, gratuit moins de 18 ans. Tél. 06.15.94.36.69.

« Il n’y a pas les méchants d’un côté et les victimes de l’autre, nous sommes nos propres bourreaux, tous coupables, tous damnés, si nous persistons par notre attitude, à collaborer au mal général » écrit Juan Radrigan. Cette pièce écrite par cet auteur, adaptée par Ricardo Montserrat, raconte l’histoire d’Isabel. Une femme seule, dans une solitude et un dénuement tels qu’elle se met à dialoguer avec un bidon…. Selon Ricardo Montserrat : « il y a une Isabel exilée dans l’Isabel de Radrigan, « l’ Ana Maria ». Entêtée comme une chèvre chilienne, à vouloir exister dans un monde où les histoires d’homme, les violences d’homme, avaient pris toute la place, dans un pays où les hommes n’avaient que des expressions d’homme à la bouche ! Puta, huevon, la hueva, boludo, maricon ! J’en passe et des pires, où les militaires estimaient l’avoir emporté parce qu’ils étaient plus machos et le prouvaient par l’humiliation, la torture, le viol des femmes et la disparition des enfants. En vraie chilienne, Isabel pleure plus souvent qu’elle ne parle, rit aux larmes, crie aux larmes, confondant larmes de chagrin et larmes de bonheur dans un même flot. Isabel tiene una pena que no puede nombrar (Elle a une peine qu’elle ne peut nommer). Chaque larme est l’écrin d’une histoire qui tue. Quand Isabel a suffisament pleuré, quand les larmes sèchent au soleil, les histoires sortent à leur tour, se bousculent comme des sanglots à la porte des lèvres, avec un léger accent qui a goût d’aji et de cilantro, la peau s’obscurcit jusqu’à devenir aussi sombre que la lave des volcans, les yeux noircissent comme les vagues du Pacifique, et l’Indienne renaît, fille de la déesse-mère qui crache à la figure du Conquérant, des images, des fables, des contes, jusqu’à refaire un monde plus doux, plus sensuel, plus gourmand, moins homme, plus humain. »

– Mise en scène et interprétation: Ana Maria Venegas Uteau
– Adaptation: Ricardo Montserrat
– Scénographie: Sidonie Marty

 

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