Les dates du vide sanitaire sont connues : « La mise en place de tout palmipède est interdite du 18 avril 2016 au 16 mai 2016 » et les élevages pourront reprendre le gavage début juillet. La lutte contre la grippe aviaire se précise avec la publication de deux arrêtés au Journal officiel ce mercredi. L’un fixe à un mois la durée du vide sanitaire dans le sud-ouest, l’autre met en place des mesures préventives pour éviter toute nouvelle épidémie. La zone de restriction sera levée « à l’issue d’un programme de dépistage national débutant à partir du 2 mai 2016, basé sur un sondage d’exploitations commerciales (…) s’il démontre l’absence de circulation virale », précise l’arrêté. Un guide des bonnes pratiques traite des mesures de prévention. Il faut protéger les élevages de toute entrée potentielle du virus dans l’élevage, via l’homme, les véhicules ou le contact avec d’autres oiseaux. L’arrêté recommande donc d’avoir une « bande » unie, c’est-à-dire un ensemble homogène d’animaux qui vont vivre ensemble de la naissance à l’abattage. Certaines mesures demanderont des investissements notamment dans les bâtiments et l’arrêté fixe à deux ans le délai pour atteindre les objectifs. Le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), a pour sa part estimé à 220 millions d’euros les investissements que nécessiteront ces mesures de biosécurité et prévient déjà qu’elles entraîneront dans l’immédiat « une diminution des capacités de production ».
>>> Article Ewanews du 22 janvier 2016 >>> « Comment fait-on pour payer des emprunts quand on a pas d’entrée d’argent pendant six à sept mois ? » La première question en dit long sur les conséquences de la crise aviaire pour les producteurs de canards et d’oies, encore abasourdis et réunis à Thenon (24) jeudi soir 21 janvier 2016.
« C’est un coup de massue sur la tête » affirme l’un d’eux. Les éleveurs s’en remettent à peine, assommés vendredi dernier par l’annonce des mesures prises. Ils connaîtront, mardi prochain (26 janvier), la durée du vide sanitaire qui leur sera imposée. Celle-ci devrait être de 5 à 8 semaines. Les enjeux et les dangers de la situation ont été évoqués dans une salle comble, avec plus de 130 participants. Certains ne cachent pas leur colère et même leur désespoir. Des mots fusent, démontrant la gravité de cette crise aiguë. La situation est alourdie par de nombreuses inquiétudes : « les indemnités seront de la poudre aux yeux sur chaque exploitation » ; « les pertes commerciales ne seront pas prises en compte » ; « pourquoi les pigeons et la faune sauvage ne sont-ils pas concernés? » ; « est-ce que tous les petits détenteurs de volailles sont concernés ? » ; « j’ai des salariés et je peux vous dire qu’ils se posent des questions » ; « qu’est-ce que l’on va donner aux vacanciers cet été sur les marchés » ; etc. Les réponses à ces questions sont très attendues et devraient être définies dans le texte de mardi.
« Ce qui est sûr, c’est que tout le monde devra jouer le jeu de A à Z pendant au moins quatre à huit semaines, pour être sûr de la réussite » explique un vétérinaire, invité pour expliquer la situation d’un côté scientifique. Dans sa présentation, il précise qu’ « il y a 40 à 80% de positivité chez les canards. On trouve trois souches : H5N1, H5N2, H5N9. Le canard ne meurt pas de cette maladie. Les symptômes sont inapparents à très faibles, contrairement au poulet où, en trois jours, c’est 80% de mortalité dans l’élevage touché. Seules, les analyses en laboratoire révèlent la maladie. Les fientes, matières contaminées, sont en ligne de mire. Pas forcément celles des oiseaux migrateurs, mais celles qui collent sous une roue et qui peuvent être véhiculées. Le vétérinaire avertit : « chaque exploitant est maître de son exploitation, et chacun y est donc libre d’y appliquer son règlement, et même pour le vétérinaire qui se présente » dit-il.
Les producteurs de canards s’interrogent : « peut-on éviter cette mesure de vide sanitaire ? » Non, explique le vétérinaire qui apporte des précisions. Selon lui « ce n’était pas dangereux à l’homme et on a laissé passer les fêtes. Maintenant, la pression est énorme de la part des autres régions de France et des autres pays qui ne veulent pas voir l’extension de ces cas de grippe aviaire, concentrés pour l’instant dans le sud-ouest. Le Japon déjà fait barrage en interdisant l’exportation de foie gras. Le vaccin ne marche pas. Le problème est que le canard ne donne pas de signes. Et c’est la première fois que c’est hautement pathogène. »
Cette réunion avait pour but de voir comment les producteurs de canards vont s’organiser, quel sera le mot d’ordre en commun, et de prévoir déjà un peu la sortie de crise. Des syndicalistes sont présents dans la salle… « Bien, on va le faire, mais qui paie, et quand ? » Leur souhait est de faire reconnaître la diversité des spécificités fermières en Dordogne, comme par exemple, la durée du gavage chez les oies qui est plus longue. L’union départementale a constitué des groupes de travail autour de plusieurs thèmes : fermes-auberge ; conserves à la ferme… Et où chacun pourra s’exprimer par mails. Parmi toutes les inquiétudes, celle du redémarrage des exploitations qui devront repartir toutes en même temps : « y-aura-t-il des canetons pour tout le monde ? » Oui dit un éleveur qui pense que les gros groupes vont prévoir.
Les producteurs de canards et d’oies ont décidé lors de cette réunion de réactiver une Union Départementale avec l’appui de la Chambre d’Agriculture, la Confédération paysanne et la FDSEA. Alain Rassat
Photo : les producteurs de gras au marché de Terrasson, le jeudi matin, s’inquiètent. Ils ne devraient pas pouvoir vendre de canards frais entre la mi-avril et septembre-octobre…