Albert Serra présente son film « La Mort de Louis XIV »

Albert Serra, réalisateur et coscénariste du film « La Mort de Lousi XIV », est venu présenter son dernier film en avant-première, au Cinéroc de Terrasson le vendredi 14 octobre 2016. Le cinéaste de Barcelone, qui parle assez bien le français avec un fort accent catalan, a répondu aux questions de la salle en mettant en relief son parti pris de vérité et de simplicité dans la mise en image des quinze derniers jours de Louis XIV.

Si la mort est ce que notre société tend toujours à cacher, si le cinéma ne l’aborde en général que de manière rapide et brutale, il a paru intéressant à Albert Serra de porter un autre regard, de nous plonger dans l’intimité de ce grand homme au pouvoir absolu, totalement démuni et impuissant devant la négation absolue que représente la mort, sa mort unique et incontournable. Avec un oeil de peintre et un sens aigu de la lumière et de l’ombre, comme de la vacuité du silence, et de la plénitude de l’instant présent, ce film ose nous prendre à revers de nos habitudes et nous conduire sur des chemins arides où l’on ne s’aventure pas facilement. Il manifeste un vrai talent de cinéaste et une courageuse originalité.

Pour l’avant-première, étaient présents Régine Anglard, conseillère départementale (Germinal Peiro, le président du Département étant excusé), Mireille Volpato conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine, Serge Eymard président de Ciné Passion et Frédéric Gauthier, adjoint au maire de Terrasson. Le film sera à nouveau projeté le vendredi 4 novembre à 18h et le mardi 8 novembre à 21h au Cinéroc. Interview…

Pourquoi avoir choisi la Dordogne pour tourner ce film?

– « Il y avait pas mal de châteaux qui pouvaient nous intéresser. Ce qui était un peu absurde d’ailleurs, parce qu’après, on s’est rendu compte qu’on a construit le décor complètement de zéro, dans une partie du château d’Hautefort qui avait brûlé. Oui, on aurait pu aller tourner dans une ferme. L’idée d’être dans un château était bien parce que l’on pouvait utiliser des meubles d’autres chambres. Mais tout le film se passe dans la même chambre où l’on a tout construit à partir de zéro ».

– Avez-vous un bon souvenir de votre accueil en Dordogne ?

– « Oui, on a été bien accueilli en Dordogne. Surtout lors de la fabrication du décor, on a passé là un mois et demi. C’est à ce moment-là que l’on a trouvé les acteurs secondaires du film. On a fait un petit casting dans le village où j’ai rencontré la moitié des acteurs du film »…

Le titre de votre film en dit déjà long, ce contraste est sans doute voulu entre le personnage, le Roi Soleil, et la mort d’un homme ?

– « Oui c’est une histoire qui évoque comment le pouvoir absolu doit se confronter avec l’impuissance absolue, la maladie et la dégradation du corps. La personne doit se confronter à cela dans sa totalité. Dans l’exposition de cette intimité, il y a une dramaturgie naturelle, quelque chose de crépusculaire évidemment. La pompe, la solennité de la  cour dans les moments glorieux a quelque chose de résiduel, elle reste là mais n’a plus de sens. Quand il s’agit de mourir tout cela devient superficiel et absurde. Mais face à tout cela il y a aussi une certaine banalité de la mort en soi, qui n’est pas traitée ici comme quelque chose de si dramatique, comme le dernier cri ou le dernier résumé de la vie. La personne qui meurt s’éteint comme une bougie »… C’est une des  perspectives originales du film de nous révéler la dimension démocratique et banale de la mort, et de montrer à coup de petites touches, de tout petits détails, la réalité de la maladie et de l’agonie vécues de l’intérieur.

« Pour jouer le rôle de Louis XIV, j’ai trouvé  dans le visage de Jean-Pierre Léaud une certaine innocence et une souveraineté à la fois, quelque chose aussi de français, qui rappelle d’ailleurs un peu Mitterrand… Dans mes parti-pris de tournage, j’ai préféré garder le point de vue du roi : on ne sort jamais de la chambre et on écoute toujours ce qu’il écoute… On est vraiment proche de lui. Le cinéma à mon avis va plus loin que le langage écrit pour dire cette expérience intime et organique de la mort. Même les connaissances historiques relatives aux intrigues politiques du moment restent extérieures à ce que j’ai voulu montrer et qui, d’un point de vue humain, se suffit à lui seul. Par contre, je me suis amusé à jouer un peu d’ironie avec les médecins dont le savoir et le pouvoir restent bien dépassés face à la maladie et l’agonie du roi ». La mort au final victorieuse manifeste la vanité de tous les pouvoirs humains. S.D./A.R.

– Le film d’Albert Serra a reçu le prix Jean Vigo 2016 et a eu un bon accueil au Festival de Cannes. Il a été tourné au château de Hautefort (Dordogne) mais l’on ne voit pratiquement pas d’images du château dans le film.

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