Quel dommage un aussi petit groupe d’auditeurs à la conférence de Reg Alcorn au Lardin, ce dimanche après-midi du 22 janvier ! C’était un rare moment d’intelligence et de talent, où le peintre a développé une profonde réflexion sur l’art abstrait, présenté et analysé un choix d’oeuvres de Kandinsky, en réalisant deux tableaux (photos 1 et 2) pour montrer concrètement comment la peinture a évolué vers d’autres formes d’expression et de langage en se liant à la musique et en se libérant des règles qui avaient prévalu durant des siècles de classicisme.
Si selon Reg Alcorn « l’art est toujours abstrait », au sens où il ne donne jamais que des lectures, des « versions » de la réalité qui s’en tiennent toujours à distance, même dans l’art représentatif ou figuratif, attaché au visage, au nu, ou au « motif » dans le paysage, il faut distinguer cependant, dans l’émergence de l’abstraction au 20ème siècle, deux grandes compréhensions de la chose. D’une part, comme on le trouve chez Picasso par exemple, c’est en partant de l’art figuratif et du clair-obscur, sans rompre totalement avec la référence au corps, au portrait, à la forme naturelle, que l’abstraction vient s’imposer et jouer en se distançant des codes de l’art représentatif. D’autre part, et c’est ce qui va être recherché par Kandinsky et par d’autres artistes du Bauhaus, l’abstraction entre en rupture totale avec la figuration et a cherché à se codifier comme un nouveau langage.
Vassily Kandinsky (1866-1944), qui a puisé dans sa critique du positivisme et du naturalisme, les racines de sa quête d’un art non représentatif, a longuement mûri ses recherches, guidé à la fois par sa volonté de mettre l’élan spirituel d’une « nécessité intérieure » au principe de l’art et par sa passion de l’architecture et du piano (dont il jouait remarquablement). Reg Alcorn, lui-même musicien, et qui a peint le tableau ci-contre (photo 2) à la fin de sa conférence, sur un extrait de la Petrouchka d’Igor Stravinsky, pour ensuite le retourner et le « réécrire » abstraitement sur une musique d’Arnold Schönberg, a offert au public une merveilleuse leçon de peinture, avec une incroyable liberté de geste et d’esprit, beaucoup de simplicité et d’humour comme en témoigne le titre qu’il a donné à ce tableau: « Theresa May et Angela Merkel se baladent dans les jardins du Kremlin habillées en princesses », quelqu’un a ajouté : « et le cavalier, là, c’est Trump! » S.D.