Il est là… Pas la copie, la vraie calotte crânienne de Cro-Magnon n° 3 ! Attention, il est possible d’aller lui dire bonjour au Musée national de la Préhistoire des Eyzies, seulement avant le 14 mai. Ensuite, il retournera à Paris. À côté de lui, deux moulages des deux autres crânes trouvés dans l’abri Cro-Magnon, il y a 150 ans. A priori, ce serait deux hommes et une femme, mais sous toutes réserves.
Ces restes humains ont été découverts dans un abri sous roche, le site de Cro-Magnon aux Eyzies. Ils avaient été déposés à proximité sur des remblais, juste sous le toit de l’abri. Ces sépultures n’avaient pas été comblées, mais leur accès était probablement interdit, aucun charognard n’ayant laissé de trace sur les os. Par la suite, ces os ont été déplacés, mélangés, sans que l’on n’en sache plus sur ce rituel. Précision, la mort de ces quelques humains remonterait, selon les dernières datations, entre 32.000 et 30.000 ans avant le présent. L’abri avait été découvert en 1868, des ouvriers devant récupérer sur ce site des remblais pour la future voie de chemin de fer.
Pas d’autres os ne sont présentés au Musée. Il y a quelques morceaux (160), mais on ne sait à qui les attribuer ! Ceux qui affirment que l’on a trouvé les squelettes de 4 à 5 personnes sont attendus au Muséum d’histoire naturelle de Paris pour reconstituer le puzzle. C’est d’ailleurs pour cela que Catherine Cretin serait bien en peine de présenter, ne serait-ce que des moulages, car elle devrait en faire un tas, une dispersion ou quelque chose dans le genre contemporain, mais en aucune façon elle ne pourrait reconstituer des squelettes avec des éléments dont on ignore à quel crâne les attribuer. Pas question de se précipiter sur les crânes et les os originaux pour les analyser, on ne dispose pas à ce jour des techniques pour aller plus avant ; le temps travaille pour la science, même si nous pourrions être impatients.
Après une cérémonie, tout ce qu’il y avait d’officielle, une table ronde était organisée sur le thème « Espèce(s) de Cro-Magnon ! » avec cinq intervenants de haut niveau : Céline Bon, paléogénéticienne et Florent Détroit, anthropologue, du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, Damien Flas, paléolithicien, attaché de recherche à l’Université de Lièges (Belgique), Noël Coye, historien des sciences, conservateur du patrimoine au PIP, et Sébastien Villotte, anthropobiologiste au UMR PACEA (Bordeaux). Précisons que, tout comme la scénographie de l’exposition, c’est madame Catherine Cretin, archéologue, conservateur du patrimoine, Musée national de Préhistoire, qui a eu l’initiative d’organiser cette table ronde.
Parmi les différents éléments discutés, en voici quelques-uns de marquants :
Les Cro-Magnons n’ont pas dessiné Lascaux, ce n’était pas la même population, ils étaient grands, sportifs et costauds. Les graffeurs de Lascaux étaient trapus et moins charpentés. Les peuples se sont succédés sur les mêmes lieux, plus ou moins gentiment, mais peut-être ne se sont-ils pas croisés, l’histoire se révèle immensément complexe. L’interprétation des analyses génétiques brouille les idées précédentes, les multiples croisements bouleversent les certitudes.
Cro-Magnon avait-il la peau blanche ou noir ? Très probablement, elle était noire, la mutation ayant entrainé l’apparition des peaux blanches étant postérieure.
L’étude des dissymétries des squelettes évoque celle des sportifs (tennisman en particulier) de haut niveau. Celle-ci n’est observée que chez les mâles, on peut donc conclure à une séparation des tâches très ancienne.
Sébastien Villotte finalise les premières analyses des os de Cro-Magnon depuis les années 1965, nous en saurons peut-être plus prochainement. Les techniques de scanner à haute résolution qu’il a employé permettraient, s’il y a des budgets pour cela, de réaliser des copies de grande qualité de ces ossements.
– Photos : Cro-Magnon 1 et la table ronde avec Catherine Cretin (1ère à gauche)