Laurent Mathieu, maire de Montignac, l’a annoncé lors de sa réunion avec ses administrés, le pont Vieux ne comportera plus qu’une seule voie de circulation pour les véhicules, il en comporte deux actuellement. Ses trottoirs seront élargis, les piétons lui disent merci. Comme nous le disions en août dernier sur Ewanews (« Une nouvelle jeunesse pour les vieux ponts »), le problème de ce pont traversant la Vézère provient d’un manque d’étanchéité du tablier. Les travaux sur la voirie ne concerneront pas uniquement le pont, mais également ses abords, c’est à dire place de la Libération, au nord, et devant la mairie où les grands véhicules ont des difficultés d’accès à la route de Valojoulx et de Sergeac.
Lors de cette réunion, un vieux serpent de mer a été évoqué, le troisième pont de Montignac… Laurent Mathieu a déclaré que, « si la fréquentation de Lascaux IV atteignait les 600.000 visiteurs, comme cela est prévu, ce troisième pont deviendrait une nécessité. Sinon, la circulation dans la commune serait totalement engorgée ». Ce pont pourrait se situer à la hauteur de l’Intermarché, mais une seconde possibilité serait d’élargir à deux voies le pont de Thonac. Une mise en sens unique de certaines voies a également été évoquée. Faut-il en déduire que cela pourrait concerner les voies situées entre le nouveau pont et Montignac ? A confirmer…
Points d’histoire sur le pont
Ce Pont Vieux… n’est pas le vieux pont de Montignac. Il n’est pas situé au même emplacement. Celui que nous pouvons voir à nos jours depuis la mairie date de 1728-1768, et sa construction a été l’opportunité de transformer profondément la commune. Une sorte d’aménagement haussmannien avant l’heure. Pour ceux qui douteraient de cette relative modernité, il suffit d’aller vérifier sur la pile nord du pont, visible depuis le square Pautauberge, où les dates de 1728 et 1768 sont d’ailleurs inscrites dans la pierre.
Bernard Fournioux, dans son ouvrage « Montignac au moyen-âge », indique dans sa conclusion que pour le Périgord, on ne dispose pas d’archives antérieures au XIe siècle. En introduction de son livre, il parle de : « Cette longue période qui s’est écoulée entre l’installation des princes Wisigoths en Aquitaine au Ve siècle et l’an Mil, demeure la plus obscure du passé historique de Montignac et de ses alentours. » Plus loin, on peut lire « À Partir du IXe siècle, s’installe dans le finage de cette vieille paroisse, une forteresse prenant appui sur un escarpement rocheux, propice à la défense et au verrouillage de ce passage obligé de la Vézère. »
Ce passage est très ancien, on le signale dès l’époque romaine, et il n’est pas abusif de penser que celui-ci fut à l’origine de la commune. « Un premier pont en bois reliait les deux rives vers l’an 1000 » indique l’Abbé Joseph Marquay à la page 19 de son livre « Montignac-le-Comte, Montignac-sur-Vézère », première édition en 1938. C’est très probable, mais il ne signale pas ses références.
Ce pont assurait le passage de la voie qui reliait Limoges et La Rochelle au nord, à Narbonne, Toulouse, Cahors et Sarlat au sud. En 1580, les dernières troupes de Geoffroy de Vivans sont acculées à quitter la ville. Avant leur fuite, elles détruisent le pont. Il est souvent écrit que ce pont fut brûlé, mais brûler un pont de pierre ne suffit pas pour le rendre inopérant. Bernard Fournioux cite, page 209 de son « Essais sur le pont de Montignac – et son prolongement économique (1) » : le pont fut « … ruyné, desmoly et bruslé par les ennemys de l’estat et de la religion… ». Plus loin, on peut lire « Finalement, le passage de la Vézère ne fut rétabli qu’à l’aide d’une passerelle de bois… » qui a fortement dégradé les finances du seigneur marquis et que la forêt du seigneur d’Hautefort fut « … quasy dépeuplée… » du fait des continuelles réparations des dégradations par les multiples et violentes crues de la Vézère.
Ce pont de fortune a été définitivement détruit par les crues de 1620. De cette date, jusqu’à ce que fut bâti le pont Vieux, le passage de la Vézère s’effectuera à l’aide d’un bac, a priori juste en amont du pont disparu. Pourquoi cet emplacement ? Parce que la rue de la Pégerie comporte désormais un coude avant d’arriver à la Vézère. Bernard Fournioux fixe d’ailleurs ce point comme lieu de passage de l’ancien pont.
Cela ne nous semble pas correct, car ce pont comportant une tour sur l’une de ses piles (« le pont en avait quatre et il devait présenter un aspect proche du Vieux pont d’Orthez », dit Bernard Fournioux), la logique voudrait que cette tour surveillait, tant que faire ce peut, l’enfilade des rues de la Pégerie et du Barry. En étudiant les cartes actuelles, et constatant que le schéma urbain n’a pas été modifié depuis, car de nombreuses habitations anciennes s’y trouvent encore, on prend conscience que le meilleur emplacement pour cette tour devait se situer face à l’actuel passage Kléber. Cela impose que la rue de la Pégerie se prolongeât au travers de l’actuel jardin du docteur Mazelle, rien d’impossible puisque ce jardin et le bâtiment qui lui est lié, sont plus récents que la date de destruction du pont.
On peut rajouter une information complémentaire : sur la carte de Ferry en 1696 (Archives départementales de la Gironde) une pile de pont résiduelle se trouve placée devant la rue de la Pégerie, au milieu de la Vézère, même si le manque précision de cette carte est patent. Nous en apprendrons sûrement plus le 9 janvier prochain à l’Atelier du temps libre lors de la conférence de Marie-France Fisher et Jacqueline Dupuis qui a pour thème : « Les ponts de Montignac. » Jean-Luc Kokel
Photo Jean-Luc Kokel : le Pont Vieux de Montignac est désormais libéré de ses échafaudages, mais les travaux ne sont pas totalement terminés.
– (1) Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, Tome CVI (106), 1979, page 287-299