« Elle avait repris seule la brocante antiquités en 1975 et avait réussi à maintenir les six emplois de l’atelier spécialisé dans la restauration de meubles, la création de modèles et la reproduction d’ancien » souligne Stéphane, en mémoire de sa mère Brigitte Laurent (née Ganon). L’antiquaire de Pazayac a été victime d’un AVC, voici deux ans, et nous a quittés le 20 mars dernier, à l’âge de 82 ans. Au tout début du confinement, les obsèques ont eu lieu en présence de dix personnes seulement. Une messe a donc lieu ce samedi matin 12 septembre à 10h en l’église Saint-Sour de Terrasson.
C’est un parcours extraordinaire pour cette comptable parisienne qui, au départ, n’avait aucune notion d’antiquités. A peine mariée avec M. Laurent, mannequin à Paris, elle le suit à Pazayac où ils s’installent à la fin des années 50, le long de la route nationale, aujourd’hui la RD 6089. Lui ouvre ici l’une des premières boutiques d’antiquités-brocante de la région, elle assure la comptabilité. Mais en 1975, c’est le ciel qui lui tombe sur la tête. Son mari, qui s’occupait de la boutique et des clients, abandonne l’entreprise d’un seul coup ! Et, contre toute attente, elle se lance à son tour dans l’aventure, sans aucune notion d’antiquités. Elle est soutenue par la propre tante de son mari, Berthe Laurent, qui est épicière, rue Rastignac à Terrasson. « Au départ de son mari, elle a été adoptée par elle comme sa propre fille » raconte Stéphane qui n’avait que dix ans à l’époque. On notera que le père de l’épicière était lui aussi épicier à Terrasson.
Un lieu avec des beaux meubles et où l’on parlait de tout
« Elle aimait parler des objets, des meubles, de leurs origines, de leur circuit. Elle racontait toujours une histoire avec un objet, et puis les gens tombent amoureux d’un truc, pourquoi on ne sait pas, parfois même avec des imperfections ». Elle se forme par elle-même sur le terrain. « Elle apprenait en faisant des erreurs et c’est comme ça qu’elle a appris en fait ».
Plus qu’une boutique, c’était une maison d’accueil et de vie. Le visiteur venait y flâner avec plaisir, s’imprégner de son univers centré sur le Louis XIII (« à l’époque tout le monde en voulait »), la Haute-époque et les tableaux, découvrir les derniers meubles qu’elle avait déniché dans une maison du Périgord, connaître leur histoire et peut-être se laisser tenter par l’un d’eux. « Il y avait toujours un feu dans la cheminée et elle aimait partager. Il y avait un côté merveilleux avec des objets hétéroclites. C’était un ensemble où se mélangeait les odeurs agréables d’encaustique et le fumet d’un plat qui mijote à la cuisine » se souvient son fils Stéphane qui travaille aujourd’hui dans le décor au cinéma. « C’est un bel héritage de valeurs et de bon goût qui coule dans les veines de notre famille » dit-il très ému. « Elle a su être un exemple de fidélité et d’abnégation. Elle était très généreuse humainement. Elle avait créé, en fait, un lieu de rencontre un peu philosophique, qui apporte une ouverture d’esprit, une compréhension, une indulgence, pas mal de choses… »
Les personnalités se succèdent parmi la clientèle
Stéphane se souvient… « J’ai rencontré Jacques Chirac dans le magasin. Il était premier ministre et moi j’étais tout petit, impressionné… Ils ont meublé son château de Bity. Elle connaissait bien aussi l’ancien maire de Brive, M. Charbonnel, ainsi que Sylvain Floirat, Jean-Jacques de Peretti ou encore Pierre Delmon, avant même qu’il ne soit maire… Ses amis étaient nombreux à s’arrêter à sa boutique située entre Brive et Terrasson. Et elle s’était entourée d’un petit monde merveilleux composé de nombreux animaux : chiens, chevaux, ânes, poules… »
Ce samedi 12 septembre, un dernier hommage lui est rendu, avec plusieurs lectures en présence des personnes qui étaient proches d’elle, en l’église Saint-Sour, avec le port du masque et le respect de la distanciation physique.
– Photos 1, 2 et 3, de Brigitte Laurent ; photo 4 de la boutique, aujourd’hui fermée.